Alors que l’inflation devient galopante avec l’augmentation du prix de l’essence à la pompe et que la pénurie des denrées de base se poursuit, voici que la baguette s’en mêle.
La scène n’est pas nouvelle, mais prend encore plus d’acuité à quelques encablures du mois de Ramadan, mois de la consommation par excellence. En début de semaine, les rayons des supermarchés vivent la même pénurie que celle de la semaine précédente. Les étalages des aliments de base et de première nécessité sont vides. Exit la farine, la semoule ou encore les huiles dans certains magasins, ne demeurent que le lait et les œufs. Les experts affirment que deux facteurs ont conduit à cette réalité, à savoir la spéculation et le comportement des consommateurs et leur frénésie à l’achat qu’on appelle couramment «ellahfa» en dialecte tunisien. Comme si c’était la fin du monde et qu’on allait manquer de tout, durant les jours à venir, les clients s’empressent de remplir leurs paniers à ras bord de produits alimentaires tant convoités. Au détriment des plus sages et plus raisonnables qui savent raison garder. «Les bons payent pour les mauvais», comme souvent. Entendre par là que les consommateurs les plus raisonnables et les plus sages paient les pots cassés. Un chef de rayon dans un supermarché au centre-ville fait part de sa désolation : «Il y avait quelques paquets de semoule ce matin tôt que des clients ont achetés en un temps éclair». Il ne reste aux autres que leurs yeux pour pleurer et constater les dégâts car en Tunisie «premier venu, premier servi» est une pratique courante qui génère la gabegie. Ces derniers temps, on voit des scènes d’hystérie comme lors des promotions sur des aliments avec une réduction de 50% ou des produits électroniques qui sont vendus à la première heure, du premier jour de la promotion au grand dam des clients suivants. C’est la course aux bonnes affaires, soit. Mais lorsqu’il s’agit de produits rationnés, à l’instar de la farine ou de la semoule en période de disette, on franchit le Rubicon. Maintenant faut-il craindre une augmentation du prix du pain ?
L’augmentation du cours mondial du blé, sachant que la Tunisie est un grand importateur de cette denrée de base, risque d’avoir des conséquences fâcheuses sur le plan social.
Alerte à Sfax
Au rythme où vont les choses, verra-t-on un jour une révolte du pain comme en janvier 1984 ? Connaissant l’importance de cette denrée alimentaire dans la nourriture du Tunisien, il y a fort à parier que oui. Pendant ce temps-là, du côté de Sfax, pour anticiper une probable disette, la Chambre syndicale des boulangeries propose d’augmenter le prix de la baguette à 420 millimes. Et celui du gros pain à 690 millimes. Le président de la chambre syndicale des boulangeries de Sfax, Abouda El Borchani, a affirmé, le mercredi 8 mars sur les ondes radiophoniques, que la chambre a proposé d’augmenter les prix du gros pain et de la baguette subventionnés. Il affirme également que le ministère du Commerce a des redevances envers la chambre qui datent de 10 mois. Un appel a été lancé pour le paiement des arriérés et des dus.
Dans cette panique générale, un journaliste tunisien a affirmé sur un ton sarcastique qu’il faut décréter le début du mois de Ramadan afin que le jeûne calme les ardeurs des citoyens et leur frénésie acheteuse. L’heure du rationnement a sonné. Ce sont les contrebandiers et les spéculateurs qui tirent aujourd’hui les ficelles, jouant au chat et à la souris avec les douaniers et les agents du contrôle économique. Les pénuries artificielles qu’ils créent leur permettent de garder sous leur coupe les circuits d’approvisionnement et de distribution. Un phénomène à la peau dure qui a du mal à disparaître sous nos cieux.